"Il me remémore des scènes de mon enfance, de la plus petite : époque où j'allais jouer sur le sable de la Baie de Somme non encore renclose par le comblement de l'estacade et où les marées venaient baigner les petits courants dans lesquels on essayait de traquer une crevette ou un crabe.
Il me remémore ce paysage grandiose où cette estacade de 1 360 mètres de longueur en énormes pieux, entresillonnés, offrait une résistance exceptionnelle à la violence des flots et montrait qu'en 1854 les ingénieurs n'avaient pas peur de traverser la Baie de Somme souvent soumise à de violentes tempêtes.
L'ESTACADE !... avant son remblaiement en 1910 - pour cause de sécurité - un de mes grands souvenirs (un peu effrayants d'ailleurs) était d'aller à Saint Valery par le tortillard, un jour de grande marée (avec tempête si possible !). Le frêle convoi était assailli de toutes parts par la violence des flots qui déferlaient, sans entrave du Hourdel à Port-le-Grand ; les vagues s'écrasaient violemment sur le parapet du pont et l'écume qui en jaillissait venait jusqu'à éclabousser les vitres du wagon : la sensation était éprouvante ; on se serait cru en leine mer, à la merci des rafales ... "
Comte Joseph de Valicourt




