Petit cours sur les ardoisières angevines

[Brisso 32]

Salut les VE Amateurs

Je vous propose un petit parcours en image sur le fonctionnement des ardoisières angevines.
L'axploitation de l'ardoise a été très importante en Anjou, chacun à entendu parler de l'ardoise de Trélazé. Grâce à cela mais aussi au fait que Trélazé voyait passer la ligne de chemin de fer Tours-Nantes, celle de Angers à La Flèche, la voie métrique du Petit Anjou de Angers à Noyant et qu'elle était terminus du tram venant d'Angers, la capitale de l'ardoise fut aussi capitale des chemins de fer en Anjou. Qu'on se le dise, Trélazé à connu sur son territoire : voie de 040 chez les maraîchers, voie de 050, 060, 1m dans les ardoisères, voie métrique et normale pour le tram, les CF Anjou et les grandes lignes.
Ajoutons que trois autres sites très importants ont exploité l'ardoise angevine, La Pouèze, à 20 km à l'ouest d'Angers, le bassin segréen très conséquent, le bassin de Renazé, non moins important. Tout cela se partageait entre deux grosses sociétés, la CAA, Commission des Ardoisères d'Angers et la SAA, Société des Ardoisières de l'Anjou. La CAA avait également des ramifications en Bretagne avec les ardoisières de Co à Ploêrmel.
L'exploitation était très organisée sur les exploitations, chaque écartement de voie étant dévolu à une fonction bien particulière comme le montre le shéma suivant :



Commençons donc par la voie métrique qui était chargée d'amener les pièces très lourdes, brutes d'extraction, depuis le puits jusqu'au cabanes de fendeurs :


Ici, le tracteur électrique CAA-Nancy arrive du puits sur le site des Grands Carreaux et apporte les pièces d'extractions aux fendeurs.



Sur la partie de l'exploitation non électrifiée, aux Fresnais, les Crochat diésel se partagent le travail. Au centre, un Crochat à voie métrique apporte les pièces aux fendeurs, au premier plan, un autre Crochat à voie de 060 emmène les ardoises terminées à l'embarquement de la gare de Trélazé. Remarquez le grand nombre de cabanes de fendeurs, les deux puits au fond et la voie de 050 le long des cabanes. Admirez (pour les modélistes), le travé des voies qui s'entrecoupent entre écartements.

Après l'électrification du site des Fresnais, les Crochat équipés de perches avaient cette tête là...pas banal n'est-ce pas !



Revenons au pièces arrivant des puits, elles sont déchargées près de chaque cabane de fendeur grâce à des crapauds à bascule comme ceux-ci :


Je ne vous ai pas montré le chargement des pièces d'extraction à la sortie des puits, la voici :


A suivre tout de suite : la voie de 060

[Russell]

Super Brisso!
Il faudra que je fasse un fil sur les ardoisières du pays de galles pour que l'on puisse comparer.

[Brisso 32]

Suite : le fendage et la voie de 060

Pour le plaisir des yeux et...les modélistes courageux, voici le plan du site des Fresnais tel qu'il se présentait dans les années 1930. Remarquez le plan très complèxe des voies de 050, 060 et métrique qui se croisent et se recroisent. Egalement le grand nombre de cabanes :



Les pièces d'extraction sont donc amenées aux fendeurs comme ici, avec un Crochat diésel à voie métrique accompagné de son wagonnet servant à transporter outils et barres d'attelage ainsi que le manoeuvre préposé aux attelages et aux aiguillages:


Voici ensuite les fendeurs à l'oeuvre devant leur cabanes. Ils les bâtissaient eux-même et abattaient leur travail (payé à la pièce), en 15 jours. les quinze autres jours du mois, ils étaient "en roule" c'est à dire à jouer à la "boule de fort". En cas de maladie, les "bien portant" se partageaient le lot de fente du malade, faisaient le travail à sa place et lui versaient l'argent gagné. Il y avait une très grande solidarité entre ardoisiers :


Une fois les ardoises taillées, elles étaient chargées sur des wagonnets à voie de 060. Ce sont souvent des femmes qui se chargeaient de ce travail :


Après quoi il ne restait plus qu'à tracter l'ensemble vers les deux gares à voie normale de Trélazé PO et de la Paperie PO ce dont se chargeaient les tracteurs Crochat à voie de 060. Lors du transfert, les ardoises étaient chargées dans des wagons à bestiaux prétégées par de la paille :


La voie de 050 :

Bien entendu, la fente des ardoises laissait des mètres cube de déchets qu'il fallait évacuer. C'est là qu'entrait en jeu la voie de 050 avec traction animale. Les voie de 050 rejoignaient le bord des anciens fonds à ciel ouvert qui étaient ainsi comblés petit à petit. Pour l'anecdote, il y eu des voies métriques électrifiées de déchetterie que l'on déplaçait au fur et à mesure du comblement, c'est ainsi que l'on déplaçait en même temps les poteaux caténaires et la ligne électrique !





A suivre : la restructuration de Trélazé des années 1950.

[Beyer-Garrat]

Fil on ne peut plus complet Brisso 32 bravo !

[Galloping Goose]

Dire que j'avais cherché des documents photos , à l'époque, pour réaliser ceçi:



Finalement, je n'étais pas si loin que ça de la vérité.....merci Brisso pour cette confirmation

[Brisso 32]

Ardoisières suite.

Avant de passer à la modernisation, petit retour en arrière avec une galerie inventaire des autres sites que Trélazé.

Tout d'abbord, comme évoqué par Russel, le Pays de Galles. C'est suite à un voyage des dirigeants des ardoisières de Trélazé au Pays de Galles que le rail est entré en force dans l'exploitation.
Ci-dessous, Dinorwic où l'on aime tellement les trains qu'on charge des wagons...sur des wagons !


Puis La Pouëze et son chevalement bois, le seul encore existant en Anjou :




Bel-air-de-Combrée avec ses locotracteurs Decauville-CAA :


Noyant-la-Gravoyère et ses derniers mois d'exploitation en 1994 :


Renazé et le courage de ses ardoisiers !


Et Cô, à Ploërmel, avec sa façon dirons... artisanale, de décharger les crapauds

[Beyer-Garrat]

Très artisanale effectivement !

[Brisso 32]

Bon, reprenons notre fil à la réorganisation de Trélazé dans les années 1950

Au cours de années 1950, les exploitations gérées par la CAA ont été complètement restructurées notamment par la mécanisation en atelier du traitement de l’ardoise. C’est ainsi que disparurent les centaines de cabanes de fendeurs au profit d’ateliers spacieux mais clos si bien que les ardoisiers y étaient soumis aux poussières d’ardoise volatiles et accumulées sur les charpentes, ce que ne subissaient pas les fendeurs en plein air.
Le réseau de desserte ferroviaire est également restructuré. Il ne s’agit plus de mener les pièces aux fendeurs, mais dans les ateliers. Le site des Grands-Carreaux-Hermitage conserve sa voie métrique électrifiée pour le transport des puits aux ateliers et un réseau à voie de 060 permet toujours de rejoindre la gare, celui des Fresnais est équipé en voie de 060 lourde. Mais dans certains secteurs, on y trouve du rail ANJOU 18 kg de réemploi.
Pour le trafic à voie métrique, des tracteurs (ou locomotives) électriques sont reconstruites de toute pièce avec les équipements des anciens tramways urbains réformés en 1949. ces engins dénommés « Thomson-Houston » en raison de cet équipement roulent jusqu’en 1994. Je suis propriétaire de l’une d’elles qui possède toujours ses deux gros moteurs TH et le contrôleur de la motrice TW n°13.



Deux locomotives neuves de construction Shneider-Westhingouse sont également approvisionnées. L’une d’elle est classé à l’inventaire des MH et est conservée aux mines de la Bruz. Sur cette photo prise sur le triage de l'Hermitage, SW au fonds et, à droite, une Thomson encore équipée d'un pantographe :



Ici, la dernière SW "repeinte" par les ardoisières vue la veille de l'arrêt définitif de l'expoitation ferroviaire le 29 septembre 1994. Elle est aujourd'hui préservée à la Brutz :



Lors des coupures de courant, les ardoisières disposaient du fameux "crapaud" restauré par l'AAPA, tracteur Dujardin démarrant avec une amorce de préchauffage et en lançant le fameux volant d'inertie "casse bras" :



Pour la voie de 060, le site Hermitage se dote de tracteurs Weitz JW 15 qui circulent également à La Pouëze (plusieurs actuellement préservés à Tréffieux) :



Signalons que le sous sol des ateliers de fente (démolis en 2005) est équipé de tout un réseau de voie de 050 avec nombreuses plaques tournantes recevant les déchets. C’est probablement là que circule le fameux tracteur Pétolat avec son étrave de bateau, à voie de 050, visible dans l’article de Loco Revue en 1985 :



A SUIVRE

[chef de gare]

[Brisso 32]

Suite du feuilleton

Pour le réseau 060 des Fresnais, les Ardoisières d’Angers achètent 4 tracteurs Gmeinder et un Comessa Locofox aujourd’hui préservés sur divers réseaux touristiques dont Rillé :


Gmeider n°62 entre les puits 25 et 26 des Fresnais


Comessa Locofox n°60

Le réseau électrifié s’est malheureusement arrêté en 1994, heureusement j’ai pu filmer et photografier pas mal tout ça. La voie est déposée quasi intégralement.
Le réseau à voie de 060 s’est arrêté au début des années 2000. Restait en service un très rare passage à niveau automatique à voie de 060 en France (il en existait deux en France !). La voie est toujours en place sur une partie du site.


A gauche, l'arrivée du puits 25, à droite, l'arrivée du puits 26 et de la déchetterie d'où revient une rame vide, au centre le PN et au fond, la voie qui file vers les ateliers de fente.

Le PN :



Ça avait de la gueule non ?




Et sur les autres sites ?

A La Pouêze, le réseau de surface bénéficia également de tracteurs CACL JW 15.

A Noyant-la-Gravoyère, ardoisières de Misengrain, il n'y avait pas de traction sur le réseau de surface, la circulation étant automatisée. En revanche, il y avait un embranchement particulier à voie normale branché sur la ligne Paris - Saint-Nazaire et la SAA y possédait une 030 Corpet n°417 jusqu'en 1955, remplacée par un locotracteur Deutz ex Mines de fer de Segré :




Deux vues de la Corpet au quai de Misengrain.

A Bel-Air-de-Combrée, les Decauville-CAA électriques restèrent en service jusqu'à la fin des années 1970. Le parc hérita dans les années 1920 d'une sorte de gros "monstre de la nature" avec le tracteur électrique Farré Guillermé, lequel avait participé au creusement d'un tunnel pyrénéen. Cette "bestiole" rare et unique en voie métrique est aujourd'hui préservée par un membre de l'AAPA.



L'exploitation possédait également un embranchement à voie normale sur lequel circulait le "train des ardoisiers" géré par les CF de l'ouest puis deux de l'Etat (voir article Loco Revue n°595).



Et dans les ateliers on pouvait voir évoluer un charriot ferroviaire tout à fait étonnant !



Dans les années 1950, un nouveau puits foncé assez loin du site, en pleine forêt, entraîna l'installation d'une voie de 060 avec armement lourd, comme à Trélazé, sur laquelle circulait des CACL JW 30 aujourd'hui préservés dans la vallée de l'Ouche et à Rillé :


JW 30 de Rillé

A suivre : Renazé

[pelican]

superbe !!
LA SUITE !!! LA SUITE !!!
petite disgression : à St Amand les Eaux, il y a aussi un locotracteur en voie de 60 qui démarre avec des amorces !!

[Beyer-Garrat]

Tiens cela me rapelle le démarrage de certains chasseur alliés de la seconde guerre mondiale , j'y ai assisté une fois de près très impressionant.

[eric fresné]

Très intéressant.

Michel, as tu une liste du matériel roulant des diférentes sociétés qui puisse servir à compléter les données parues dans "Industrial Locomotives of Western France" de l'IRS.

Keith Clingan ayant pris sa retraite, c'est moi qui ait la tâche d'assurer la mise à jour de ces ouvrages.

[Brisso 32]

Salut

Pour l'anecdote, je vous explique la manoeuvre :

D'abord mettre une maîche de préchauffage enflammée, à défaut on peut prendre un filtre de cigarette, nous, on a mis un pré-chauffage électrique .
Ensuite, on commence à tourner avec la manivelle (ce n'est pas comme une manivelle traditionnelle de démarrage comme sur les autos ou draisines Billard, il n'y a pas de risque de retour). Un seul tourne et croyez moi, on commence doucement mais faut tirer et pousser dessus et déjà les biceps se mettent sérieusement au travail . Lorsque ça tourne bien, le second vient aider et le jeu consite à tourner à deux jusqu'à ce qu'on ne voit plus la manivelle ...non je plaisante mais ne suis pas loin de la vérité et là on commence à se demander quand le troisième va tirer sur la chaîne de démarrage .
Ça y est, il a tiré dessus. Si Môssieur Dujardin est de bonne humeur, s'il a passé une bonne nuit et n'a pas trop froid, il daigne démarrer . S'il tousse et fait sa chochotte alors là, il faut tout recommencer et, croyez moi, on change d'équipe. Il y a souvent assez peu de volontaires (sauf pour tirer sur la chaîne) mais dans l'ensemble, les moins cardiaques s'y mettent tousD7
Pendant les journées du patrimoine, un rallye auto passait par notre atelier. Environ 80 équipes sont passées et, l'épreuve pour avoir l'indice suivant, était le démarrage du bestiau... On a bien rigolé Déjà lorsque les concurents arrivaient en demandant : "on doit trouver le tracteur au fond du jardin..."
Dernière précision, éviter de faire tourner la manivelle par des ferrovipathe trop jeunes, on en a vu un tourner avec la manivelle avant d'être éjecté dans le champ d'à côté

J'ai vu un moteur démarrant comme ça dans un moulin à eau à La Flèche, il y avait en effet aussi des avions et des tracteurs agricoles.

[Brisso 32]

Très intéressant.

Michel, as tu une liste du matériel roulant des diférentes sociétés qui puisse servir à compléter les données parues dans "Industrial Locomotives of Western France" de l'IRS.

Keith Clingan ayant pris sa retraite, c'est moi qui ait la tâche d'assurer la mise à jour de ces ouvrages.

En principe il n'y a pas à compléter, c'est moi qui ai travaillé avec Keith Clingan pour l'inventaire du Maine-et-Loire et je pense avoir été exhaustif au moins en ce qui concerne les ardoisières. La sortie de Western France correspondait en gros avec l'arrêt des exploitations ferroviaires il n'y a donc pas eu de nouveau matériel et la liste se base sur les inventaires de la CAA que j'ai pu consulter. La seule zone d'ombre reste sur les Fenwick car il y a eu pas mal d'échanges à la fin avec des engins venus d'ailleurs.