Allez, j'ai eu le temps -et il en faut- pour vous préparer la suite avec... quelques surprises !
Nous voilà donc partis de la Flotte pour monter à St Martin, capitale de l'île. D'autres ont St Barth...
Nous sortons de chez moi

à proximité du cimetière.
La photo suivante est riche en enseignements. Au niveau voie ferrée, elle montre qu'elle est en bordure de route mais pas vraiment en accotement car nettement séparée.
Elle permet de découvrir également la première disposition de l'aiguille qui permettait au train de rejoindre la gare située en ville et le port.
Mais elle dévoile aussi un gros problème latent durant des siècles dans l'île : le manque de bois. Il suffisait que les superbes ormes plantés au 19e siècle soient élagués pour que les rétais en ramassent les branches. Il faut dire que, jusqu'à la crise du phylloxéra (2e moitié du 19e siècle, qui ruina nombre de rétais pour 50 ans), l'île était quasi entièrement couverte de vigne, sauf dans les marais, producteurs de sel, bien entendu. Un mauvais vin mais une bonne eau de vie et le pineau se vendaient bien très loin des rives charentaises, notamment dans les pays nordiques. Ce qui explique le nombre sidérant de tonneaux et barriques transportées par notre p'tit train visible sur les cartes postales anciennes... et le nombre de wagons plats à bords bas en conséquence.
Direction St Martin : la locomotive s’époumone dans la côte de Coquereau déjà évoquée, qui pointe tout de même à 20 mm/m. Ça n'est pas tant la pente que le fait que le convoi vienne juste de s'ébranler, surtout lorsque la 2e gare sera disposée en pleine courbe, qui rend l'effort important.
Tout de suite après, la voie change de côté pour passer au nord de la RD 15 : en 1963, on distingue encore la trace du passage à niveau (qui n'était pas gardé, bien sûr). Je vous ai laissé la vue aérienne non surchargée, pour que vous puissiez bien vous rendre compte :
Ah oui, désolé, il fait toujours beau chez moi... presque.
D'ailleurs un proverbe local dit "Quand on voit les côtes de Vendée, c'est qu'il va pleuvoir. Quand on ne les voit plus, c'est qu'il pleut..."
Elle suivait ensuite la RD 15, plus ou moins à l'emplacement de la piste cyclable qu'on dit être implantée sur le talus, jusqu'à l'arrivée à St Martin :
Là, les choses se corsent, comme on dit dans une autre île : le rempart n'est pas encore ouvert pour laisser passer plus facilement la route, et tout le trafic côté la Flotte se fait donc par les passages pensés par Vauban... qui n'a pas vraiment prévu en 1685 qu'un train passerait par là ! En cette fin de 19e siècle, les courbes, contre-courbes et dénivelées censées gêner l'assaillant ont surtout embarrassé notre petit convoi, dont les roues devaient un peu grincer sur les rails. Je ne sais pas s'ils étaient surécartés.
Photos réalisées sans trucage

:
Il faut donc passer sous la porte Toiras, pas le maréchal Jean d'Anduze de St Bonnet, seigneur de Toiras, bien vu sous Louis XIII et mort au combat vers 1630, par là, mais son frère Rollin, décapité par un boulet de canon aux premières heures du siège de la Rochelle (septembre 1627 - octobre 1928) en s'opposant aux troupes de cet infâme duc de Buckingham -
I apologize, Malcolm...

.
Le passage étant étroit, le chauffeur descendait pour vérifier qu'aucun attelage ne s'était engagé sous la porte avant de laisser la voie libre au mécanicien. Il y a eu des loupés... mais plus de peur que de mal. je ne sais pas à quoi ressemble un équidé qui a la jaunisse ?
Quand j'était petit, enfin un peu plus grand que la photo précédente, un panneau en tôle émaillée quelque peu rouillé, cloué sur les battants -d'origine s'il vous plaît- fermant le passage indiquait "ATTENTION AU TRAIN". Il n'a pas du être perdu pour tout le monde, celui-là...
Ma reconnaissance s'est faite avec Victor le Chat

un peu avant Noël. Il faut croire que les matous y voient mieux que les lapins, car il a remarqué que la voûte de passage est encrassée de suie !Et vérification faite sur l'autre porte de ville où ne passait pas le train,
c'est vrai ! Merci le Chat

!!!
Ensuite, nous descendons vers le port et la gare, voir à ce sujet quelques pages avant. J'ai par contre retrouvé des photos et cartes postales montrant la voie ferrée, même si ce n'est pas le sujet premier :
D'abord une vue de l'aiguille permettant l'accès au dépôt. On aperçoit plus loin la gare, un wagon et le dépôt des colis ; on discerne, en plissant les yeux, la disposition des 3 voies parallèles.
La 2e vue montre ces 3 voies et un superbe attelage typiquement rétais (même rhétais, vu l'époque). Et ne croyez pas que c'est du folklore, il s'agit bien d'une famille endimanchée pour se rendre à la capitale, voire marier la fille aînée, qui porte la coiffe et les habits des grands jours. D’ailleurs d'autres passants sont aussi bien habillés. On remarque que les parents ont le teint hâlé par les travaux au grand air (le père a une superbe barbiche Napoléon 3...) ; l'âne a les jambes et le ventre protégés contre les piqûres d'insectes et l'agression des chardons. Sa tête n'est pas en reste, de même que son dos, sans doute contre le feu du soleil. Ne riez pas, dans une île pauvre (phylloxéra, mévente du sel), avoir un âne et une charrette (et une fille à marier ?

), c'était un luxe au début du 20e siècle.
Par contre voir tous les ingrédients réunis sur un même âne, c'est l’anchois sur la pizza, euh la cerise sur le gâteau...
Bon, je vous poste déjà ça (1 heure de boulot bien tapée) avant que ça plante.
La suite est prête, elle arrive...