par bernardhenri » 18 12 2006 à 00:01
Et encore:
Le grès rose quartzite est une roche très dure, très abrasive, mais que l'on parvient à débiter à l'aide d'un outillage simple : masse et barre à mine. A la fin du 18ème siècle, on ramassait à la surface du sol "des pierres de Garenne", larges et plates, qui rompues à coup de maillet, convenaient pour dresser les encoignures des maisons, ainsi que des morceaux de poudingue.
On les employa dès le Moyen-Age pour la construction des églises. A cette époque, pour les constructions soignées, les pierres de taille de granite venaient de Chausey, via Saint-Malo et le port de la Noë. Cependant, les maçons d'Erquy, dès la fin du 18ème siècle, ont commencé à exploiter des carrières au sud du cap. A l'anse de Port Blanc, ils tiraient avec difficulté une pierre au grain fin, se prêtant à la taille et qu'ils appelaient "granit". D'autres exploitaient la dangereuse carrière en surplomb du port.
Pour séparer les dalles, trois ouvriers formaient une équipe : l'un tenait la barre que les deux autres frappaient à coup de masse. Une fois la dalle détachée, on la soulevait à l'aide de crics, puis on la déplaçait sur des rouleaux de bois. Lors de l'extraction en hauteur sur le front de taille, la manoeuvre présentait des dangers et un accident était toujours grave. Sans compter le risque de briser une telle dalle après tant d'heures d'efforts pour l'extraire. L'extension se faisait de plus en plus haut à mesure de l'extension de la carrière. Les hommes travaillaient encordés pour prévenir des chutes. Le contremaître surveillait la manoeuvre, le clairon à la main. L'instrument signalait l'explosion imminente d'une mine et l'on criait aux alentours : "Gare à la mine".
Les tailleurs de pierre étaient rémunérés à la tache, au nombre de pavés réalisés. Les enfants de 12-14 ans représentaient un quart de la masse salariale dans les carrières artisanales jusqu´en 1903. Il n´y avait pas de limite d´âge pour travailler dans les carrières. Debout, face à son baquet de sable, le tailleur façonnait à la demande les dimensions suivantes : du 17 cm x 30 cm ou du 14 cm x 24 cm. Les plus petits calibres 10 cm x 10 cm étaient communément appelés "paquets de tabac".
Lorsque l'usage d'une mine était nécessaire, l'ouvrier carrier forait à la barre un trou régulier. A chaque coup de masse, la barre était tournée d'un quart de tour pour éviter qu'elle ne se bloque. La tige métallique pénétrait la roche lentement sous les chocs des lourds marteaux qui frappaient en cadence dans un ensemble parfait. Seule la nécessité de reforger la pointe venait interrompre l'ouvrage. L'arrivée tardive des aciers suédois put limiter le retour à la forge.
A partir des éclats de roche, des traces des pavés ratés, on peut aujourd'hui déterminer les différents postes de travail des carriers : fendeurs, bouchardeurs. L'ancienne forge de la carrière du Maupas est visible sur un escarpement rocheux au-dessus du nouveau port. Chaque ouvrier pouvait forger ses outils. Une brouettée était souvent nécessaire pour une semaine de travail.
Les traces des rails et parfois les rails eux-mêmes sont encore visibles sur le tracé de la voie Decauville (chariots sur un chemin de fer). Ce réseau de voies sillonnait le cap et aboutissait au-dessus de la jetée. Un système de funiculaire permettait la descente et la remontée des wagonnets remplis de pavés que la Société des Carrières de l'Ouest exportait par caboteur vers les ports de la Manche.
Les carrières de grès s'étalaient de la pointe d'Erquy jusqu'à la mer (au nord des Hôpitaux) ; mais il était interdit de rompre les pointes d'une crique à l'autre. Le concessionnaire devait respecter le trait de côte et n'entreprendre de forage qu'à l'intérieur. Les pierres de décharge servaient de remblais, qui furent en autre utilisés pour la nouvelle digue du port d'Erquy.
En contre-bas de la falaise du port d'Erquy, on peut remarquer la roche à nu, les excavations, les tas de pierres de rejet, les éboulis, les galets sur la grève. Sur le site, les traces d'extraction par creusement, les éclats de taille, les passages et circulations des wagonnets sur rails, la forge, le lieu de stockage de la dynamite, la "sainte-Barbe", l'abri du treuil et le socle du concasseur.
Port de Carhaix
Bernard WALTER