Les voies métriques du front de l'YSER:Notre ami YVES disait ceci
dans le fil consacré à l'armée belge Je vais donc tenter de lui répondre, grâce à une compilation d'articles de J.Delmotte parus entre 1965 (numéro 15) et 1968 (numéro 26) dans la revue
Présence du tramway, éditée par l'AMUTRA.
Avant le début de la première guerre mondiale, plusieurs compagnies se partageaient l'exploitation de la région située entre Hazebrouck et la mer du nord.
Du coté Français:
-La Compagnie des Chemins de Fer du Nord de la France (Bray-Dunes à Hondschoote)
-Les Chemins de Fer des Flandres (Hazebrouck à Hondschoote et Bergues à Rexpoede)
-La Société Générale des Chemins de Fer Economiques (Bergues à Saint-Momelin et Herzeele à Bolleseele)
Ces trois réseau réunis cumulaient un total de 110 km de lignes, qui n'étaient en aucun cas reliées aux chemins de fer vicinaux belges. Par contre, les échanges entre SE et compagnie des Flandres avaient été rendus possibles par quelques petites adaptations.
Du coté Belge:
L'ensemble de l'exploitation du coté Belge de la frontière était attribué à la Société Nationale des Chemins de Fer Vicinaux.
Ceux-ci exploitaient les lignes suivantes:
-Nieuport à Furnes
-Furnes à La Panne
-Le raccordement Coxyde village - Coxyde bain - La Panne.
-Furnes - Ypres
-Furnes - Poperinge
-Noordschote - Poperinge
-Lizerbe - Elverdinge
-Ypres - Le Seau (frontière française)
Voici la carte des différentes lignes, fournie par J. Delmotte dans son article du numéro 15 de "Présence du Tramway":
En octobre 1914, la SNCV eut le temps de rapatrier une partie de son matériel de Bruges et Ostende vers le petit bout de Belgique qui resta inviolé pendant les 4 années de conflit. Furnes, où s'était installé l'Etat Major, devient également "le" centre ferroviaire pour les vicinaux non occupés.
Furnes, Etat-Major:
Furnes, troupes:

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Dés le début du conflit, les différentes compagnies vont collaborer avec l'armée, sans pour autant collaborer entre-elles, et ce malgré la création d'une jonction entre Houtem et Pont-aux-Cerfs. Il y avait en effet trop de différences entre les réseaux belges et français, que ce soit au niveau du tamponnement, des attelages, des cotes de calage...
En 1915, l'armée profita de la stabilisation du front pour créer un ensemble de lignes. Il pouvait s'agir de l'ajout de quelques centaines de mètres dans des gares comme de la création de lignes complètes, ou encore de la réparation des voies abimées par le conflit. Du coté Belge, le Bataillons des Chemins de Fer s'occupait de l'exploitation. Du coté Français, c'était le service de l'Artillerie. Leur rôle était d'assurer le ravitaillement, le transport de troupes et même l'utilisation des voies pour positionner des pièces d'artillerie. Cette exploitation n'était évidement pas facilitée par les bombardements, qui coupaient régulièrement les lignes.
En plus de l'exploitation belge et française, il faut noter l'exploitation des chemins de fer à voie métrique par les Britanniques. Basés à Ghyvelde, ils créèrent une immense gare composée de dix voies de 800 mètres ! Ils possédaient une cinquantaine de locomotives et près de 1200 wagons.
Il y avait donc trois nations différentes, trois armées, trois règlements qui devaient collaborer... On peut imaginer le nombre de problèmes qui en découlaient, et c'est donc dans le but d'y remédier que l'on créa la dixième section de chemin de fer de campagne dans les Flandres. Elle s'occupa de modifier les voies du coté Belge afin de pouvoir accueillir le matériel Français. De plus, du matériel de la Compagnie des Charentes, qui pouvait rouler sur les différents réseaux, arriva en nombre. La gare de Ghyvelde devient alors le centre névralgique de approvisionnement des troupes de la région par chemin de fer métrique. De nombreux embranchements seront créés en parallèle afin d'optimiser l'approvisionnement du front.
La Panne: Des soldats belges se servent de voitures vicinales comme salle de garde !
Pour terminer, un petit aperçu du sort du matériel tracteur:
Grâce à l'évacuation vers Furnes du matériel d'autres groupes en 1914, la SNCV comptait de ce coté du front près de 300 machines. Celles-ci ne furent pas toutes gardées par les chemins de fer Vicinaux. Ainsi:
-En 1916, 3 locomotives SNCV sont parties vers le réseau des Flandres.
-En 1916 encore, 6 locomotives SNCV sont parties vers le front de la Somme.
-14 locomotives vicinales furent retrouvées sur la ligne reliant Montmedy à Verdun.
Les Allemands firent également venir énormément de matériel SNCV pour l'exploitation des réseaux regroupés de la Somme. On retrouva une partie de ce matériel sur le réseau des Ardennes Françaises. Peut-être trouve-t-on ici l'explication de la carte postale de Yves? Pour mémoire, la voici:
Notons enfin que le front de l'Yser bénéficia également de l'apport de matériel d'autres réseaux:
-12 locomotives des économiques des Charentes
-1 locomotive des tramways de l'Eure et Loire
-2 locomotives des chemins de fer du nord de la France
-5 locomotives du réseau des Flandres
-50 locomotives bicabines fabriquées au Royaume-Uni. (futur type 19 SNCV)
-20 locomotives bicabines fabriquées aux Etats-Unis. (futur type 21 SNCV)
-6 locomotives (130 Blanc Misseron) de la SE.
Pour terminer, quelques illustrations:
Locomotive 979, constuite sur plan SNCV par la Grande-Bretagne: (aujourd'hui conservée à Schepdael)
Wagon du "War departement", construit pendant la première guerre mondiale sur plan vicinal (aujourd'hui conservé à Schepdael)
Locomotive du type 21, construite par les Etats-Unis: (ici dans l'entre deux guerres à Mol, avec des tampons SNCB pour l'exploitation à 4 files de rails, source: présence du tramway n°26)
Dés l'armistice, les chemins de fer vicinaux se préoccupèrent du rétablissement des liaisons ferrées entre les deux cotés du front. Ils devaient non seulement faire face à la démolition de matériel, mais aussi à la disparition de sections de lignes entières, de gares... (et à fortiori de villages, de villes...) Aujourd'hui encore, il est courant que l'on trouve des traces de ce conflit (obus ou autres), alors que bientôt un siècle nous séparera du début de la première boucherie mondiale !
