J'ai fait carrière (H0i)

[Patrick ze rabbit Deludin]

Bon, pas pu aller à RailExpo : sur la tranche 2 jours avant, le lapin...
Alors je vous présente ce que vous n'avez pas vu.
Mais pas tout de suite , parce que je vais vous expliquer comment j'ai réalisé mon ultime réseau (ben voui, y'a plus de place à la maison, donc c'est le dernier).
Et puis p'tête que mes tours de reins mains pourront vous être utiles...

Après les briques, je me suis penché sur la pierre. Logique.
Mais pas n'importe laquelle, la Pierre de Crazannes, avec un P majuscule car autrefois de réputation européenne, appelée d'ailleurs "Pierre de Rochefort" par les étrangers pas d'ici, puisque c'était le port d'embarquement pour l'étranger, après avoir été chargé à Port d'Envaux :

(Musée de la Pierre de Crazannes)
Elle a été exportée depuis le Portugal jusqu'en Allemagne, et si elle est bien mentionnée à Cologne, rien ne dit qu'elle a effectivement servi à bâtir la cathédrale. Peut-être les statues...
Quant au socle de la statue de la Liberté, fadaises, billevesées...

Si vous voulez aller plus loin, il y a cette référence, réalisée durant l'étude du tracé de l'autoroute A837 (aïe...)

[Tram47]

à suivre ..........

[Patrick ze rabbit Deludin]

Oui, l'autoroute...
Il se trouve que j'ai eu "le bonheur" de faire partie des gens qui ont travaillé sur le projet.
Mais dès le début, il était prévu une aire de repos en rapport avec les anciennes carrières , abandonnées depuis 1955.
L'avantage d'être informé avant les autres, c'est que j'ai pu aller faire des photos de sites aujourd'hui disparus.

Par exemple, ce pont taillé dans la masse, pour ne pas interrompre un chemin d'exploitation, photographié en 1994 alors que les repérages et dégagements pour le tracé définitif étaient en cours :

Où est-il maintenant ?
Là :

Mais bon, y'en a plein d'autres.
Sauf que parfois, avec la végétation qui a bien poussé en 70 ans, on ne sait même pas qu'on est dessus !

À partir de maintenant, toutes les photos, c'est ma Pomme, depuis 30 ans.
CPA : musée de la Pierre de Crazannes, et notre pote Delcampe, pas riche.

[Patrick ze rabbit Deludin]

Voilà, reporté sur une vue aérienne Géoportail de 1945, différents tracés utiles :

* Les Grandes Carrières et les Sendées, sur la commune de... Plassay, ont été en grande partie détruites par l'autoroute.
Restent quelques traces d'exploitation gallo-romaine (1er siècle avant Jean-Claude) dans un coin des Sendées, mais ça n'est pas l'objet de mon réseau.
Pour donner l'échelle de tout ça, une photo avec Philippe Creuzevault en 1993 :

* Les Faux Berthières, les Genivres (et le fameux "trou du Hibou"), les Italiens et les Vergnes sont situées sur la commune de Crazannes
* Celles des Chabossières dépendent de Port d'Envaux.

Je rappelle que les trains de la SE Charentes, dont il ne reste aucune trace localement, n'ont jamais participé au transport des pierres, pas d'EP, nombreuses ruptures de charge jusqu'à l'embarcadère de Port d'Envaux ou la gare d'échange la plus proche de Taillebourg :
viewtopic.php?p=324785#p324785
viewtopic.php?f=2&t=7763&hilit=saint+savinien&start=135#p326440

[Patrick ze rabbit Deludin]

Le cadastre napoléonien, repris sans grandes modifications, montre la "géométrie" des carrières sur laquelle il est calqué, constituées de rues parallèles :

Ces rues sont pour la plupart orientées nord-est / sud-ouest, sans doute pour bénéficier d'un maximum d'ensoleillement les après-midis d'hiver, à une époque où les travailleurs en extérieur se servaient plus de "l'heure solaire" que de l'heure légale.
Elles sont généralement séparées par une partie en porte-à-faux, la zone de pierres non rentables.
L'exploitation se faisait à l'horizontale sous ce porte-à-faux, en conservant un "plafond" de pierre compacte "perdue" et en descendant progressivement : ces carrières semi-enterrées sont nommées localement des enfiches.
Le début de creusement était incliné de façon à renvoyer un maximum de lumière vers le bas :

Bien qu'arrêtée au milieu du siècle dernier, l'exploitation n'a que peu connu la mécanisation.
Quasiment jusqu'à la fin, le dégagement des blocs s'est effectué au pic ou à l'aide de coins de bois.
Il est rare de trouver trace de scies (à main), par contre les sillons réguliers des pics se retrouvent partout :

Parfois, la reprise postérieure d'une ancienne exploitation montre les deux méthodes, la découpe à la scie étant plus lisse :

(j'ai cherché longtemps...).
Quelque wagons, poussés à la main, permettaient d'évacuer les déchets de taille ou la pierre non utilisable de la partie supérieure, lorsque celle-ci n'a pas servi à conforter la (parfois très) faible couche de terre végétale :

Partant de ces éléments (j'ai été un peu long ...), on peut s'attendre à un décor hors normes, même dans les parties les moins impressionnantes :

[Patrick ze rabbit Deludin]

Bon, le réseau, quand même.
D'abord, une structure légère, donc polystyrène extrudé, même pour le plateau.
Il est constitué d'une plaque de 50 mm d'épaisseur dont je n'ai plus l'utilité, dimensions 53x65 cm.
On triture un peu des restes de rails, on les coupe le cas échéant, et voilà :

Il faudra que je fasse tout le décor dans une chute de plaque de 20 mm récupérée chez un pote car elle partait à la poubelle.
Bon, il a malgré tout fallu que j'achète un tasseau de 15x15mm, pour protéger les arrêtes inférieures (l'en manque un peu, ben tant pis), et pour y visser/coller un bandeau de CP de 5 mm, que je découperai dans un ancien parement de porte.
J'aurai p'tête même assez pour faire un coffre de présentation/présentoir, comme j'avais fait pour la Briqueterie du Bois des Loups :
viewtopic.php?f=4&t=12305&hilit=cent+briques&start=765#p490208
Envers du décor :

(On voit bien l'emplacement du plat qui servait de mangeoire aux p'tits piafs, et les trous des bois à brochettes qui retenaient ces de pigeons )
Vous remarquerez que je n'ai pas pleuré les réalimentations des rails...
... et la suite demain, maintenant c'est le lapin.

[Storm]

Ca manque d'aiguillage quand même

[pelican]

[Patrick ze rabbit Deludin]

C'est ç'là, ouiiiii...
Un aiguillage triple, peut-être ?
viewtopic.php?f=2&t=9395&p=492640&hilit=aiguillage+triple#p492640
Et pourquoi pas une plaque tournante motorisée, aussi ?
Et pourquoi pas une p'tite maison de campagne au bord de la mer avec vue sur la montagne ? (quoiqu'au pays basque...).
En vrai, il n'y avait même pas d'engin moteur, même en fin d'exploitation (la CPA précédente date de 1920).

[Patrick ze rabbit Deludin]

Bon, redevenons sérieux.
Mon objectif était de reproduire 3 époques sur le même plateau, ce qui a été effectivement possible.
D'abord, la découverte, dégagement de ce qui n'est pas exploitable et sortie des premiers blocs (1910/1920) :

Ensuite, une zone d'extraction en cours, à ciel ouvert et en semi-enterré.
(Ici, à St-Même-"les-Carrières", en Charente, à l'exploitation identique, car il y a très peu de CPA concernant Crazannes) :

Notez au passage la taille des blocs extraits.
Enfin, une rue abandonnée :

... qui sera moins végétalisée car délaissée depuis une 20taine d'années seulement : sur mon réseau, nous serons en 1950/52.

[Patrick ze rabbit Deludin]

Attaquons le décor.
C'est principalement du vertical et c'est plutôt tourmenté :

Ne pas oublier les traces d'outils, bien sûr :

Donc, je taille dans le polystyrène les différentes parois, qui seront ensuite assemblées.
Pour commencer, il faut "dépolir" la surface du polystyrène, qui est glacé et résiste au collage (colle blanche), et même à la peinture.
Peinture acrylique, bien sûr, sinon ça fait des trous.
En 4 temps :

Les outils :

La lame de "cutter" a été utilisée à plat pour le "déglaçage" , objet dangereux s'il en est.
D'ailleurs je suis passé très vite au couteau de cuisine grand modèle, régulièrement affûté.
Les pierres servent à reproduire les zones naturelles ou les arrachements de blocs, en appuyant simplement sur le matériau.
La brosse en nylon, frottée en travers, va imiter les traces de pic.
La brosse en laiton, tapotée, donnera le grain de la pierre.
Les tubes, dont l'extrémité a été mise en forme, vont tracer les moellons de différentes tailles :

Ne pas oublier les fils, fissures peu larges qui obligent les carriers, les pierreux, à adapter les découpes de blocs, les failles, voire les diaclases remplies d'argile, ou les parties de calcaire différent, très dur et pas exploitable :

[Patrick ze rabbit Deludin]

Voilà :

Je ne dois pas oublier non plus que, en haut des rues, des traverses ont été laissées pour assurer la stabilité des parois :

Hop !

La traverse, sculptée à part, est collée (colle à bois) et brochée à l'aide de cure-dents.
Pour la hauteur, j'ai dit qu'il restait encore des ponts taillés dans la masse.
Le p'tit bonhomme qui fait l'andouille mesurant 1,80m, ça donne une hauteur de 12 m dans les zones conservées et au sol "d'origine", c'est-à-dire en fin d'exploitation et non remblayé :

Donc 14 à 16 cm en H0. Un front de taille, disparu, faisait 17 m !
Souvent, les déchets étaient mis sous ces ponts une fois des blocs sortis, ce qui fait qu'ils sont moins visibles que celui qui avait été dégagé et détruit aujourd'hui, le dessous étant remblayé :

Ils étaient retenus par des gros moellons plus ou moins équarris, appelés localement contracoups.
Certains n'ont pas tenu -j'ai connu cet endroit intact- et on voit de nouveau le dessous du pont et la découpe des blocs à l'horizontale au pic :

J'ai essayé de reproduire au mieux un tronçon de pont, mais sans les éboulis puisque dans mon cas nous serons dans une zone en exploitation :

Et, pour assurer la solidité des poteaux taillés dans la masse, mais dans le polystyrène, j'ai les ai brochés :

La pointe du bois a été incisée à la lime triangulaire, je le fais pénétrer en la tournant façon foret pour qu'il fasse bien un trou sans comprimer la matière, qui finirait pas éclater.
Que ne ferait-on pas sans pics à brochette et cure-dents !

[Patrick ze rabbit Deludin]

Le soir du... 12 novembre (2024) , j'en étais là :

Pour des raisons de facilité en conservant un sol plan recevant la voie ferrée, j'ai renoncé à reproduire la partie découverte, qui aurait été à un niveau supérieur.
On a donc, de gauche à droite :
* une zone large à ciel ouvert, fermée par un pont, qui recevra aussi les ateliers d'équarrissage, identification et expédition des blocs par camions (ben oui, en 1952 c'est possible),
* une carrière semi-enterrée en exploitation,
* une rue abandonnée "depuis peu".
La partie supérieure ne sera pas oubliée, avec ce qui a précédé le travail de la pierre : l'exploitation forestière.
En réalité, c'était plutôt des champs de blé ou d'orge, mais la pierre était plus rentable.
Et puis une "forêt" en exploitation, c'est plus spectaculaire qu'un champ tout plat !

[Patrick ze rabbit Deludin]

Passons à la mise en couleur.
Dans les parties protégées des intempéries, la pierre de Crazannes est restée très blanche, même après 70 ans d'abandon.
Sauf lorsqu'un banc de calcaire de structure différente, particulièrement dur, cassant et de couleur allant du brun au jaune, vient polluer les bancs commercialisables :

Non, à droite, ça n'est pas un extraterrestre qui nous regarde, juste une bizarrerie de la nature.
Les yeux sont d'ailleurs composés d'une autre plaie pour les carriers : les blocs de silex, difficiles à miniaturiser en H0 !
Ils sont généralement alignés sur une horizontale, et c'est une véritable catastrophe puisque ça vous ruine un bloc : un rognon de silex au milieu d'un bloc, c'est un bloc invendable, qui fait "cloc" au lieu de "ding" lorsqu'on le "sonne" avec un outil métallique.
C'est la raison pour laquelle on trouve des blocs abandonnés :

Voilà un alignement de silex au "trou du hibou", partie la plus souterraine actuellement accessible, uniquement avec une lampe électrique (puissante) :

C'est sans doute une des dernières exploitations souterraines puisque nécessitant de gros moyens mécaniques et l'électricité, aux Faux Berthières.
(des co♫♪ rds n'ont pas pu s'empêcher de laisser la trace de leur passage . Faut que je pense à emporter un balai brosse la prochaine fois, c'est écrit à l'argile).
Un peu de vert complètera la palette pour imiter la mousse fine, ou les lichens, mais ce sera structuré, aussi.

La blancheur de la pierre a engendrée la perte de la vue chez de nombreux pierreux, maladie à laquelle on peut ajouter la silicose due à la poussière de pierre très fine produite par le travail des blocs.

[Patrick ze rabbit Deludin]

Peinture...
D'abord un essai des différentes teintes à employer pour la partie abandonnée, sur une chute de polystyrène taillée à l'arrache :

Voilà les différents éléments constitutifs, mis une dernière fois bien en forme après la pose en place à l'aide de cure-dents, premier traitement, et début de végétalisation pour certains :

Évidemment, je n'ai pas oublié les particularités évoquées précédemment :

Un défoncé, l'empreinte sur le polystyrène d'un de mes cailloux, et une teinte plus orangée.
"C'est la pierre qu'elle est mauvaise", comme disait Luigi dans le "Salaire de la Peur".

La végétalisation se fait d'abord à l'aide de mousses plus ou moins fines Woodland Scenic :

Pour le lierre, pas de problème, le produit de chez MiniNatur fera parfaitement l'affaire :

Les feuilles sont un peu grandes pour du H0, mais j'ai aussi triché sur les stries de pics et les rognons de silex pour que ça se voit.
Et puis ça cachera d'autant mieux les joints, car certains panneaux resteront démontables pour pouvoir nettoyer les rails et... jeter récupérer les engins moteurs qui auront planté un chou, forcément dans les zones peu accessibles.

Maintenant, reste la grande question : comment traiter les fougères ...