Modérateurs: YVES, Beyer-Garrat, pelican
pelican a écrit:Une Minerva ... Land Rover construite sous licence belge pour l'armée et la gendarmerie.
LA MAISON DU CANAL
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Dehors, la pluie crépitait, les gens couraient, des silhouettes étaient collées à toutes les portes et les nuages rendaient le ciel si sombre que les boutiques gardaient leurs lampes allumées.
Juste en face de la gare; au milieu de la rue, il y avait un gros tramway vicinal peint en vert et .noir. Il était vide. On ne voyait ni mécanicien ni receveur. Un écriteau portait la mention « Maeseyck » et Edmée devait passer par cette ville pour se rendre à Neroeteren.
Sans rien demander, elle entra dans la première voiture qui était divisée en deux par une cloison vitrée. D'un côté, les banquettes étaient en bois et le plancher couvert de bouts de cigarettes et de crachats; de l'autre, il y avait des coussins de velours rouge et un tapis par terre.
Edmée hésita, franchit la porte des premières classes et s'assit dans un coin, toute droite, releva le voile de crêpe qui lui couvrait le visage. Elle était très mince, très pale, anémique comme des jeunes filles le sont à seize ans. Elle portait les cheveux tressés serré, roulés sur la nuque en un chignon dur.
Une demi-heure s'écoula. Des gens montaient en deuxième classe, surtout des paysannes chargées de paniers, et elles parlaient flamand à voix très haute, comme parlent toujours les Flamands. Parfois,- après un regard à Edmée, qui était seule derrière les vitres, une femme chuchotait en hochant la tête en signe de pitié et d'autres regards se portaient sur la jeune fille.
La machine siffla. Le train roula à travers les rues de la petite ville mal éveillée. Les lampes des wagons s'allumèrent,- peut-être par hasard, et on ne les éteignit pas du voyage.
La pluie, le voile d'Edmée, les gros châles noirs des commères, l'eau qui dégoulinait sur les planchers et les banquettes, tout se fondait en une grisaille lugubre. La terre labourée des campagnes était sombre, les maisons bâties en briques d'un brun sale. On traversa la région des charbonnages du Limbourg et des terrils défilèrent tandis que le vicinal traversait les corons.
C'était un vieux train, qui secouait les voyageurs et chacun, sans le vouloir, dodelinait de la tête. Edmée comme les autres. Parfois les femmes échangeaient quelques phrases. A travers la cloison, on n'entendait rien, mais on voyait l'expression désolée des visages, les bouches qui s'ouvraient pour un soupir et les yeux vides qui, après chaque conversation, dévoraient la buée des vitres.
Le receveur entra en première, s'adressa en flamand à Edmée qui ne le regarda pas et se contenta de dire en tendant son argent: « Maeseyck »
L'employé prononça encore deux phrases, mais elle détourna la tête. On s'arrêtait dans tous les .villages, parfois même à la croisée de chemins où nulle maison n'existait. Des gens accouraient, des femmes qui troussaient leurs jupes et qu'il fallait hisser, essoufflées et rieuses, sur le marchepied. La trompette du receveur lançait un cri ridicule de jouet d'enfant. La machine sifflait.
Vers onze heures, des paysannes ouvrirent leur panier et en tirèrent des victuailles. A deux heures, on arriva à Maeseyck où le vicinal s'arrêta à côté d'un convoi tout pareil, sauf qu'il avait une voiture en moins et qu'il portait la mention « Neroeteren ».
Edmée ne s'informa pas de l'heure du départ, ne regarda rien, n'adressa la parole à personne. Comme elle l'avait fait à Hasselt, elle alla s'installer dans un coin du compartiment pendant que la plupart des voyageurs entraient dans les estaminets où on les voyait attablés devant du café chaud.
Le nouveau train ne partit qu'à trois heures et demie. C'était déjà le crépuscule. On traversa des bois et un canal tout droit, si droit et si long qu'il en était obsédant. La nuit était tombée quand, au milieu d'un village, le receveur cria « Neroeteren! »
Edmée descendit, resta immobile au milieu de la rue en face d'une épicerie dont l'enseigne était en flamand. Des gens s'approchaient du train, d'autres s'embrassaient ou s'éloignaient. Mais personne ne faisait attention à elle. Alors elle alla se planter sur le seuil de l'épicerie, à l'abri de la pluie, et posa son sac sur les marches.
Le vicinal repartait. La rue se vidait.
…
BG1000 a écrit:C'est le sujet de ton TFE ?![]()
BG
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