par Klebert » 08 10 2019 à 14:41
Des lignes militaires d’abord
Il y eut en fait techniquement deux réseaux ferroviaires successifs qui seront installés sous le protectorat. Le premier fut constitué de voies de soixante centimètres d’écartement avec quelque 2.000 kilomètres de lignes, à usage purement militaire. La substitution du réseau normal à l’ancien a pris une dizaine d’années, et avec la voie à petit écartement allait disparaître un des vestiges parlants de la pénétration militaire française et une des méthodes privilégiées pour la pacification.
Après l’occupation de Casablanca en 1907 par l’armée française, un premier chemin de fer à voie de soixante centimètres mais à traction animale fut construit entre cette agglomération et les camps militaires avancés de Bouskoura et de Berrechid, qui resta opérationnel jusqu’en 1912, comme moyen à la disposition de l’armée pour le ravitaillement des troupes opérant dans la région de la Chaouia. Par ailleurs, sur les confins algériens, effrayés des lenteurs, des difficultés pratiques et des dépenses énormes que comportaient les transports par piste du ravitaillement du corps d’occupation, Lyautey déjà, encore simple général en service à la frontière algérienne, décida de prolonger en territoire marocain la voie ferrée algérienne. Mais l’écartement de cette voie allait être non adapté au Maroc, car on avait choisi l’écartement de cinquante centimètres utilisés dans les lignes secondaires de l’Oranie, avec l’intention d’en faire l’écartement unique dans le futur(1). De février à octobre 1911, les services militaires du Génie établirent, entre la frontière et la ville d’Oujda, une ligne de quinze kilomètres de longueur qu’on pensait bien pouvoir pousser ultérieurement en direction de Fès(2). Cependant, à ce moment, intervint la convention franco-allemande qui stipulait qu’aucun chemin de fer commercial ne pourrait être construit avant l’achèvement de la ligne de Tanger à Fès(3). Tant que cette clause sera respectée, il ne pourrait être construit dans les autres régions que des chemins de fer à usage militaire. Il fut ainsi admis, au début du protectorat, que seule la voie de soixante centimètres répondrait à l’esprit de la convention parce que sa faible largeur excluait toute possibilité de la transformer ultérieurement en ligne commerciale, selon le souhait allemand de contenir l’expansion du commerce français.
Le seul avantage que la France semblait tirer alors de cette convention était la perspective, dans l’avenir, d’équiper en voie normale le réseau marocain et, en particulier, de prolonger, au même écartement, sa grande rocade nord-africaine de Tunis jusqu’à la frontière marocaine. Par contre, la France s’obligeait à réaliser en premier lieu, et en étroite collaboration avec l’Espagne, une liaison ferroviaire qui ne l’intéressait guère parce que très éloignée de ses bases de pénétration, Casablanca et Oujda. Un autre tronçon ferroviaire, avec une voie étroite, reliant Casablanca à Rabat était déjà en cours d’achèvement en 1911, avant même la signature du traité du protectorat.