Patrick ze rabbit Deludin a écrit::F5
Ah oui, "maturation", pas "égouttage"
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Me semblait bien que c'était pas le bon mot
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Bonsoir Patrick,
J'ai même entendu parler de "caves à terre" pour la maturation des argiles, au même titre que dans d'autres professions il y a des "caves à fromage". En fait, c'est un peu plus complexe qu'un simple égouttage. Les argiles ont un comportement rhéologique assez complexe ; suivant les carrières, on ne peut pas faire de l'extraction toute l'année car le comportement de ce matériau dans un état trop humide empêcherait toute locomotion des engins. Les matières premières qui entrent dans l'usine ont une teneur en eau faible, ce qui permet de les extraire et de les déchiqueter et de les transporter ... sans transporter de l'eau. On redonne ensuite de la plasticité au mélange d'argile auquel on a rajouté un matériau dit "dégraissant" par un apport d'eau. Le matériau "dégraissant" sert à bloquer ou limiter le retrait (variation dimensionnelle) des argiles trop plastiques , il faut garantir la stabilité dimensionnelle en cru (avant cuisson) et en cuit, limiter la fissuration lors du séchage ... Les dégraissants peuvent être des chamottes, des sables siliceux, mais aussi provenir de la casse inévitable de pièces cuites que l'on concasse à cet effet ; tout se recycle dans la terre cuite !
Les argiles font partie des phyllosilicates, ce qui veut dire que les tétraèdres de silice sont organisés en feuillets, un peu comme un mille feuilles chez le pâtissier. C'est entre les feuillets que se logent tout un tas de choses que l'on appelle des ions et des cations qui vont piloter beaucoup de choses dans le comportement du matériau. Ces feuillets présentent une très grande surface par unité de masse. On parle de surface spécifique qui peut atteindre plusieurs mètres carrés par gramme, voire plus. C'est cet effet que l'on recherche quand on avale du SMECTA en cas de forts ballonnements. Le SMECTA est le nom pharmaceutique d'une argile appelée Smectite qui compte tenu de sa très grande surface spécifque permet d'adsorber les gaz à l'origine des ballonnements. Pour la terre cuite c'est sur ces surfaces que se "piège" l'eau par adsorption ou par absorption. C'est deux mécanismes différents. Dans un cas, cette eau est plus énergétiquement liée aux surfaces et il est plus difficile de la faire partir. Quand elle s'en va, naturellement par égouttage, ou technologiquement par séchage ou pressage/essorage, les feuillets se rapprochent. En fait une argile respire comme les soufflets d'un accordéon.
En fait, la formulation des produits en terre cuite est très empirique et nécessite des moyens d'investigations scientifiques très "pointus" et coûteux pour tenter de comprendre la subtilité ou les subtilités de tous ces matériaux géologiques naturels offerts par Dame Nature. J'ai la chance de côtoyer de près des chercheurs du Centre Européen de la Céramique à Limoges qui naviguent dans l'infiniment petit pour chercher à comprendre tous ces phénomènes. C'est passionnant !
Avant d'arriver à Limoges il y a plus de 20 ans, j'étais enseignant à Orléans et j'avais encadré un projet d'étudiants en collaboration avec la tuilerie de la Bretèche en Sologne, plus exactement à Ligny le Ribault. J'en garde un excellent souvenir et si à l'occasion des journées du patrimoine cette entreprise familiale se visite, il ne faut pas hésiter à y aller. En attendant ou pour susciter de la curiosité, voilà un lien :
http://www.tuilerie-de-la-breteche.fr/fabrication.php.
Bonne visite et bonne soirée !
François