CF Militaires et Fortications (ex-loisirs.ign.fr)

Pour discuter des chemins de fer à voies étroites ou métriques à l'échelle 1, des trains touristiques à voies étroites ou métriques, des manifestations sur ces mêmes réseaux, des expositions de modélisme ferroviaire ...

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Re: CF Militaires et Fortications (ex-loisirs.ign.fr)

Messagepar Tirefond » 08 11 2012 à 02:11

Bonjour,
Toujours Le Havre et l'emplacement possible de la démonstration du Decauville pour déplacer une pièce de 320 mm.

D'abord la carte, donnée pour être de 1885, (Le CdF arrive au Havre en 1847) où sont présents les forts de Tourneville et Ste Adresse terminés vers 1858-1860. On voit, au sud-est, la pointe du Hoc, débarrassée du lazaret ( pavillons de quarantaine pour les équipages de navires) qui l'occupait depuis les années 1670. Remanié en 1713 et 1823 ses bâtiments désaffectés ont été détruits par Schneider en 1904 qui en a fait une butte de tir :
Le Havre 1885.jpg
Le Havre 1885.jpg (41.56 Kio) Vu 5851 fois

Une deuxième carte, vraisemblablement des années 1930, montrant les deux usines Schneider, leur desserte ferroviaire en VN, la pointe du Hoc et son champ de tir (avec sa butte de tir), tout en bas, à proximité des usines (La flèche orange désigne l'usine Bréguet qui s'installe en 1930) :

Maintenant, un plan de l'emplacement des usines Schneider (et Breguet, donc des années 30 également) où la proximité des usines, des voies de desserte en VN et du champ de tir est très nette (les pointillés semblent représenter des projets de desserte ferroviaire qui seront réalisés sous d'autres formes). Les textes sur l'entreprise précisent également qu'elle avait implanté un important "réseau Decauville" malheureusement non représenté. La proximité de tous ces éléments rend valide, à mon sens, la localisation de la manoeuvre de la pièce de 320.

D'autant plus que....
Schneider Hoc Canon de 65 et de 240 Le Havre.jpg
Schneider Hoc Canon de 65 et de 240 Le Havre.jpg (126.07 Kio) Vu 5851 fois

Les pièces d'artillerie présentes sur cette CPA, orientées vers le large, car on devine en arrière-plan le rebord du plateau du Pays de Caux, semblent installées dans un paysage d'une similitude troublante avec celui du cliché de la pièce de 320 : Même platitude, terrain bordé d'une même petite clôture (visible en zoomant), présence de prairie avec pommiers...
Bon, les pommiers, en Normandie, ça n'est pas rare, d'accord.....mais quand même...
Voilà, voilà
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Re: CF Militaires et Fortications (ex-loisirs.ign.fr)

Messagepar gnr37 » 18 11 2012 à 11:52

Bonjour.
Bravo et merci pour ces recherches Tirefond.
C'est toi Caux sur ce site http://atlantikwall.superforum.fr/t1286 ... 0-au-havre ?
Ta solution est très certainement la bonne.
Je continuerais sur les voies de 60 de la ligne Maginot quand j'aurais réglé un PB de disque dur.
Oups!
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Re: CF Militaires et Fortications (ex-loisirs.ign.fr)

Messagepar Tirefond » 18 11 2012 à 19:36

Ouaip, c'est moi...

Tu n'auras pas la surprise des petits ponts de la voie de 60 alors.....
Ca fait un moment que je cherche des tuyaux sur Le Havre sur Atlantikwall mais ces forumistes-là, s'ils sont très branchés "bunker", ne sont pas très branchés "environnement des bunkers". Bon, chacun a ses "compteurs de rivets", n'est-ce pas ?
Je n'arrive pas, par exemple, à avoir une "vue d'ensemble" de la forteresse du Havre qui permettrait de justifier l'implantation d'une voie ferrée de "là" à "là". Il faut chercher dans les blogs et dans des sites connexes pour recueillir des bribes de ci de là. C'est très intéressant (J'ai parcouru ainsi les archives de la Cie Schneider....au Creusot) mais très long et on se laisse vite distraire du but initial. Comme je cherche aussi pour les CdF du Liban, "on" me rappelle que dehors il fait beau et que c'est le moment des plantations !!!! Alors.....

A plus tard.
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Messagepar Decau88 » 18 11 2012 à 22:48

Hello, Mr Tirefond.
Toi qui a parcouru les archives de chez Schneider, aurais tu vu des informations sur le locotracteur Schneider militaire type LG?
Il semblerai qu'il y ait un document intitulé: Essais du locotracteur schneider, modèle 1916, pour voie de 0m 60 type l. g., 27- 28 mai 1916. p., schneider cie, 1916

Ca te dis quelque chose???
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Messagepar gnr37 » 02 12 2012 à 20:08

Bonsoir.

Magnifique travail Mr Tirefond.
Il est donc évident que la photo de 1889 a certainement été prise dans le secteur de ce polygone.
Et les allemands, lors de la 2ème guerre mondiale, ont monté une voie étroite vers l'aérodrome avec
des travaux de belle facture semble t-il.
Oups!
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Messagepar gnr37 » 02 12 2012 à 21:01

Je reprend le suivi des voies de 60 de la ligne Maginot.
Je m'étais arrêté au nord de Florange juste après le passage sous l'emprise SNCF.

Voici ce que ça donne sur une carte d'état-major.
Le passage dans Florange. Au sud-ouest du passage sous voies il y a une scierie. La carte semble
indiquer les voies étroites qui circulent dedans.
Carte IGN.


Et la gare d'échange de Florange. Celle-ci devait servir s'il y avait eu un problème au dépôt
principal. Les voies de 60 encadraient une voie normale et une route dont on distingue
le virage pour le demi-tour à l'extrémité sud-ouest, là où la voie normale pénètre dans
le dispositif.
Carte IGN.


Voici cette partie photographiée en 1949 qui permet de mieux distinguer cette gare d'échange
qui n'apparait pas sur les cartes. Les repères vont servir aux photos qui suivent.
Photo IGN.


Après la gare d'échange, la voie double continue vers le nord-ouest et la plateforme est toujours visible aujourd'hui (repère A).


Elle continue en double voie vers le triangle du crassier de Marspirch dont voici l'entrée Est (repère B).


Si l'on continue sur la branche Sud, on se rapproche du crassier qui a très tôt recouvert la voie pendant ou
après la guerre. Je suppose que cette branche servait à récupérer les déchets des coulées, qui concassés,
constituaient le ballast de l'ensemble de ces lignes. Il y a des beaux morceaux ! (repère C).


Voici la sortie Ouest du triangle où les plateformes sont bien visibles. (repère D).
C'est juste après que les voies se séparent pour desservir l'ouvrage du Kobenbuch vers le Nord, et les ouvrages
de Molvange et Rochonvillers vers l'Ouest.


Un peu plus loin, vers l'antenne des ouvrages de Molvange et Rochonvillers, la voie
reposait sur un long et imposant talus en courbe. (repère E)


La plateforme de la voie partant vers le Kobenbuch. On distingue toujours le ballast sous les feuilles. (repère F)


Un peu plus loin, toujours cette belle plateforme récupérée pour les promenades à cheval. (repère G).


Et ce pont en béton pour franchir un ruisseau. Un peu plus loin, la plateforme disparait sous un énorme tas de terre.
(repère H)
Oups!
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Messagepar Tirefond » 02 12 2012 à 21:08

Bonsoir,
Le Havre (suite)
Hé oui, gnr 37, comme tu l'avais deviné il semble maintenant effectivement certain qu'il y eut une voie de 60 pour les besoins militaires allemands. Si l'on connait l'un de ses terminus je cherche à préciser l'autre pour mettre ça un peu proprement sur une carte ou une photo avec les illustrations adéquats (entre temps je me bagarre un peu avec Gimp....).
Il se pourrait bien, par exemple, que la forêt de Montgeon, autrefois Bois des Hallates, soit l'autre terminus mais ça reste à préciser et, apparemment, cette voie fut très éphémère.
Car, en effet, à l'occasion de la 2ème GM cette pauvre forêt en a vu de toutes les couleurs.
Ce fut un dépôt de munition allemand (selon un blog, ce qui pourrait justifier, en partie, la voie ferré) puis, après la libération du Havre, un camp de transit américain, comme dit plus haut.
Lien pour ce camp------> http://lehavrephoto.canalblog.com/archi ... 92121.html

Puis, les américains partis, et la ville du Havre ayant été rasée par les mêmes, le camp a servi a reloger les milliers de Havrais sinistrés. Au fur et à mesure de la reconstruction il s'est progressivement vidé jusqu'en 1962. Les dernières installations (Mairie annexe "provisoire", Ecole, etc...) n'auraient disparues qu'en 1982. Il a du beaucoup souffrir des besoins de chauffage de l'époque....
J'ai le souvenir en 1974 d'un bois de taillis pas très engageant pour autre chose que des petites manoeuvres de troufions.
Maintenant, il semble que ce soit un parc magnifique.
A plus tard
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Messagepar YVES » 02 12 2012 à 22:13

Hum... Si au Havre la voie servait aux allemands, il y a de fortes chances que la R.A.F. soit venue faire quelques photos aériennes !
Après les archives Schneider, il va falloir interroger l'Imperial War Musem pour savoir s'ils peuvent répondre à ces questions.

En tout cas, superboulot ce fil ! Bravo.
#B6 #B6 #B6
Une entreprise qui n'a jamais acheté une Corpet neuve !!! Est-ce bien une compagnie ferroviaire sérieuse ?!...
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Messagepar gnr37 » 03 12 2012 à 01:58

YVES a écrit:il va falloir interroger l'Imperial War Musem pour savoir s'ils peuvent répondre à ces questions.


J'y ai pensé à l'Imperial War Musem, ainsi qu'aux archives US.
C'est déjà pas simple au SHD de chercher quelque chose. Et pas gratuit si tu le veux.
Je suis tombé une fois sur un lot de cartons contenant des photos aériennes françaises datant de 1939 et 1940
des ouvrages de la Ligne Maginot, sur lesquelles on voyait évidemment les voies de 60, et tout cela en pleine activité.
Je me serais ruiné à tout prendre. Je comprend pourquoi il y a des "trous" dans les séries. Les voleurs sont partout.
Oups!
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Messagepar gnr37 » 20 12 2012 à 20:35

Bonsoir.

Nous nous en étions arrêté au petit pont sur le ruisseau que j'ai repéré avec la même lettre (H) en bas de la photo.
Je n'ai pas pris de photos sur le terrain dans cette portion car l'urbanisation a fait son oeuvre.
Les flèches blanches suivent le tracé. On s'aperçoit que la voie de 60 coupait une voie de mine là où
une route la coupait aussi (en A).
Ensuite la voie passait dans Veymerange avant de remonter vers le nord dans le bois de Lagrange.
Oups!
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Messagepar gnr37 » 08 01 2013 à 02:13

Bonsoir.
Avant de continuer, il est temps de vous dire pourquoi j'ai essayé de suivre et photographier
cette antenne en particulier. Tout simplement car un récit décrit ce qui s'y est passé en 1940.
Ce récit est reproduit dans le livre de JB Wahl sur la voie de 60 militaire. Mais au delà de ça,
j'ai été en contact avec la fille de l'auteur de cette histoire vécue : Pierre-Abel Dufour.
Cette dame a eu la gentillesse de m'envoyer gracieusement l'un des derniers exemplaires
de ce petit ouvrage publié il y a longtemps à compte d'auteur.
J'espère pouvoir arriver à le transférer içi même, sinon je vais devoir appeler les modos
à la rescousse.

Je vais le morceler pour éviter que ce soit trop rébarbatif.

LE PETIT TRAIN DU KOBENBUCH
Par Pierre Abel Dufour, sapeur du chemin de fer
à voie étroite de la Ligne Maginot

J'étais chef du gril de Cattenom, et j'avais pour mission de ravitailler en munitions l'ouvrage du Kobenbusch de la ligne Maginot qui se trouvait à la charnière de l'Allemagne et du Luxembourg. Ce ravitaillement s'effectuait par trains circulant sur des voies dont l'écartement était de 0,60 m. Le gril était une gare, c'est-à-dire un ensemble de voies dont l'une était directe et plusieurs autres étaient destinées au garage des trains en provenance de la gare de transbordement de Saint-Hubert avant qu'ils ne soient acheminés vers l'ouvrage.
La gare de Saint-Hubert était située au-dessus du village de Gandrange, à une vingtaine de kilomètres en arrière de la ligne Maginot. Là, une équipe d'artilleurs avait pour tâche de transborder les munitions ou les approvisionnements des wagons de voie normale sur les plates-formes ou wagons de voie de 60. Une autre gare, où l'on aurait eu la possibilité d'effectuer ce transbordement, existait sur le parcours à l'état embryonnaire à Florange . Elle aurait pu être développée au cas où celle de Saint-Hubert aurait été détruite.
Les trains stockés dans le gril de Cattenom, après entente téléphonique secrète avec le commandant de l'ouvrage, étaient acheminés, la nuit, par une équipe du 15ème génie, stationnée dans le gril, jusqu'à l'entrée de l'ouvrage. A partir de cet endroit, c'était une autre équipe du 15ème génie faisant partie de l'équipage de l'ouvrage qui les prenait en charge. Elle les rentrait et les descendait à l'intérieur. Les trains utilisés en voie de 60 se composaient en général de trois plates-formes modèle 1888, ou de trois wagons tombereaux Decauville lorsqu'il s'agissait de transporter du sable ou du ballast. Le train était tiré par un locotracteur pétroléoélectrique blindé Crochat conduit par deux sapeurs spécialisés dans la traction. Un personnel d'exploitation dont la mission était bien définie accompagnait chaque train. Ainsi, sur chacune des plates-formes ou wagons se trouvait un sapeur, dont le rôle était de serrer le frein à main à la demande du mécanicien du tracteur. Deux autres sapeurs se trouvaient sur la plateforme ou le wagon situé immédiatement derrière la machine et devaient, avec leur drapeau rouge, faire le service des passages à niveau. Ils devaient arrêter la circulation routière lors du franchissement de la route par le train. Un chef de train, un caporal le plus souvent, en avait la responsabilité. Il devait tenir la feuille de route et faire en sorte que l'horaire soit respecté. Au passage dans les gares d'évitement situées le long du parcours, il distribuait le courrier aux deux sapeurs de garde, transmettait les ordres de la compagnie, et donnait les nouvelles qu'il connaissait.
La première fois que l'on fit connaissance avec ce petit train, c'était au début du mois de septembre 1939. Avec lui nous fîmes un parcours de reconnaissances. Nous étions partis du bois de Saint-Hubert, origine de la ligne, pour aller jusqu'à l'ouvrage de Kobenbuch son terminus. Deux trains chargés de rails avaient été formés et mis en route à cette occasion, le deuxième suivant le premier à courte distance. Pour les familiariser avec l'exploitation, un grand nombre de sapeurs qui n'avaient aucune fonction pour la marche du train avaient pris place sur les chargements. C'était, pour eux une promenade agréable, d'autant qu'il faisait très beau temps. Tout avait bien commencé, quand à la sortie d'une courbe où la visibilité était mauvaise, le train de tête, sans raison apparente freina et s'arrêta. Peut-être le mécanicien avait-il constaté une anomalie ? Surpris par cet arrêt brutal, le mécanicien du train suiveur n'eut pas le temps de freiner suffisamment son convoi probablement par l'inexpérience de la manoeuvre du locotracteur, à laquelle s'ajoutait peut-être aussi un manque de vigilance de la part des serre-freins tant soit peu distraits par le paysage. Le choc fut inévitable. Des sapeurs furent projetés sur le ballast. Le chargement du train tamponneur glissant vers l'avant alla buter sur l'autre chargement, prenant comme dans un étau les jambes d'un sapeur qui se trouvait assis sur l'un d'eux. On le dégagea tout sanglant, les jambes molles dans ses bandes molletières. Par bonheur, on côtoyait une route et l'on réquisitionna la première auto qui passait pour le transporter inanimé à l'hôpital. Il ne revint jamais à la compagnie. « La guerre pour lui est terminée » dirent certains qui enviaient peut-être son sort... Ce transport eut lieu dans la journée, mais après le 10 mai, date de l'offensive allemande, ils s'effectuaient uniquement la nuit.
J'avais été volontaire pour ce poste à Cattenom, qui comportait de l'initiative et des responsabilités. J'avais remplacé mon camarade, le sergent Dupont, qui était bien content de cette relève. D'autant que nous étions le 27 mai, et que depuis le 10 mai date de l'offensive allemande, ça commençait à remuer dans le noman's land entre les lignes Maginot et Siegfried. Quelques obus de faible puissance étaient tombés, un peu au hasard dans notre secteur. Des 77 allemands, mais peut-être aussi quelques obus de 75 de notre artillerie dus probablement à une erreur de tir ou à des obus insuffisamment chargés.
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Messagepar gnr37 » 08 01 2013 à 19:56

Un peu de suite:

Mais avant cette période, il y en eut une plus calme que l'on appela « la Drôle de guerre ». Pour se distraire et aussi pour améliorer un peu l'ordinaire, certains sapeurs qui tenaient les dispositifs menant une vie monotone, n'hésitèrent pas à se servir de leur fusil pour tirer les chevreuils assez nombreux dans la région. Ils utilisaient alors les cartouches dont ils avaient réduit la quantité de poudre par mesure de sécurité. C'est ce procédé qui me fit penser pour un tout autre motif, aux obus insuffisamment chargés qui étaient tombés dans notre secteur. Par contre, d'autres sapeurs se contentaient d'une chasse plus écologique, mais surtout plus silencieuse ; c'était celle du lapin qu'ils allaient chercher au fond de leur terrier au moyen d'une badine flexible. Mais à part ces diverses chasses plus ou moins prohibées, il y en avait une qui était tolérée et même recommandée : c'était celle des avions. Plusieurs fois par jour, nous avions leur visite. Ils évoluaient à basse altitude et paraissaient s'intéresser à nos activités. Il n'y avait pas de doute à avoir quant à leur nationalité. Nous n'avons toujours vu que des avions marqués de la croix noire. Il fallait justifier l'utilisation des cartouches en remplissant un état indiquant : la date, l'heure, la nature de la cible, le nombre de balles tirées et le résultat obtenu. Après ces coups de fusil, je n'ai jamais vu d'avions descendre en torche ou en flammes. Aussi je n'ai jamais rempli cet état.
Notre rôle n'était pas uniquement l'approvisionnement de l'ouvrage. Il est arrivé quelquefois que l'on fasse des transports de permissionnaires, afin de les rapprocher de leur lieu de stationnement ou de la gare de départ. De plus, à quelque cent mètres après le gril, existait un embranchement qui permettait de descendre à la gare d'Hettange-Grande. A proximité des installations S.N.C.F. se trouvait un important dépôt de matériel militaire : tôles de blindage, abris de mitrailleuses, etc... Nous avions fait plusieurs fois des transports pour ce dépôt qui, depuis la mi-mai étant sous le feu de l'ennemi avait été abandonné. Il en avait été de même pour la gare S.N.C.F. et la ville d'Hettange-Grande. Notre dispositif du Rippert situé entre le gril et l'ouvrage de la ligne, risquant la nuit d'être l'objet d'un coup de main de la part de l'ennemi, nous avait amenés à évacuer les deux sapeurs qui le tenaient et à les incorporer au personnel du gril.
Dans les premiers jours de juin, après la percée de Sedan, les Allemands qui avaient pris la Ligne Maginot à revers étaient à Longuyon. Nous entendions le bruit de la bataille. Les hauts fourneaux des usines de Wendel qui jusqu'à présent la nuit éclairaient le ciel, venaient de s'éteindre définitivement à la suite du bombardement d'une de ses unités. Comme le danger d'être bombardés se rapprochait, nous eûmes l'idée d'aller récupérer quelques-unes de ces tôles de blindage que nous avions transportées dans le dépôt quelques jours auparavant pour nous en faire des abris. Car le confort relatif de nos wagons que nous avions apprécié lorsque la zone était à peu près calme ne correspondait plus à la nouvelle situation. Il fallait se protéger contre les éclats d'obus ou de bombes. Aussi, un des jours suivants à la tombée de la nuit, nous mîmes en marche un tracteur précédé d'une plate-forme vide sur laquelle avaient pris place cinq ou six sapeurs volontaires.
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Messagepar gnr37 » 10 01 2013 à 01:25

La suite.

En haut de la descente encore camouflée par la frondaison du bois qui dominait la gare d'Hettange, la plate-forme fut détachée et acheminée à bras d'hommes jusque dans le dépôt militaire. Là, quelques tôles ondulées épaisses en forme de demi-cercle furent chargées. La plate-forme avec son chargement raccrochée fut ensuite acheminée sans problème jusqu'à notre gril. Ce transport qui s'était bien effectué nous incita à recommencer le lendemain. Mais cette fois les volontaires avaient une autre idée en tête et, avant d'effectuer le chargement, ils disparurent dans le dédale des maisons abandonnées des alentours pour y chercher, je le sus par la suite, quelques bouteilles de vin ou d'alcool. Resté un moment seul dans l'attente de leur retour, j'examinais cette gare abandonnée où les destructions étaient importantes. J'étais sur le quai à regarder le poste d'aiguillages complètement saccagé, quand, précédé d'un long sifflement strident, un obus de 77 tomba dans le ballast près de l'endroit où je me trouvais à quelques centimètres du quai, la bordure ayant arrêté la projection des éclats qui devaient m'atteindre. Mais je sentis le souffle de ceux qui passaient au-dessus de ma tête. Le premier réflexe fut de me jeter à terre le long du BV. Mais les obus tombaient autour de moi. Je rampai alors avec peine et me blottis contre la façade en retour de la gare. Je ne pouvais plus être atteint par les projectiles, mais je recevais les tuiles de la toiture et d'autres matériaux provenant de l'explosion des obus. Je compris que ma situation n'était pas idéale et, ayant repéré le revers d'un talus un peu plus loin où j'espérais être plus à l'abri, je profitai d'une courte accalmie pour m'y rendre en courant. Je trouvais sur mon chemin un tuyau qui passait sous les voies et m'y engouffrais. J'attendis le ventre dans l'eau que cesse ce bombardement. A la tombée de la nuit, alors que tout paraissait plus calme, je sortis de mon tuyau et me précipitai vers le bois où j'étais plus en sécurité. Je rentrais à pied et arrivais tard au P.C. du gril.
Les sapeurs avaient pu rejoindre sans encombre le tracteur et étaient depuis longtemps de retour au camp. Mon absence les avait tant soit peu inquiétés et ils me dirent, en riant, qu'ils s'apprêtaient à demander un autre sergent à la compagnie pour remplacer celui qui venait d'être tué. Ce jour-là, la plate-forme vide resta à Hettange et nous ne retournâmes jamais la chercher. Nous nous contentâmes des quelques tôles du premier convoi pour confectionner notre abri dont l'utilité était de plus en plus nécessaire à mesure que les bombardements s'intensifiaient. C'est à regret que nous étions de moins en moins dans nos wagons de marchandises. A l'intérieur on pouvait se tenir debout et ils étaient bien confortables. Ils avaient été prélevés du stock de wagons réformés « Z » de la S.N.C.F. situé en gare de Florange, au moment où le secteur était calme. Les quatre roues et les plaques de garde avaient été supprimées. Ainsi allégées, ils avaient été chargés sur des plates-formes de voie de 60 puis acheminées jusqu'à notre gril à très petite vitesse, pour tenir compte du centre de gravité placé très haut du chargement et du très mauvais nivellement de la voie. Après un parcours scabreux mais sans histoire, au moyen de rails nous les avions fait glisser à l'emplacement prévu. L'une des caisses de ces wagons avait été aménagée en bureau avec le standard téléphonique, la réserve du matériel et en chambre pour les deux sergents. Celui qui était le chef de gril et son adjoint qui s'occupait de la réfection des voies. L'autre wagon avait été aménagé en chambrée pour les hommes. C'est ainsi que l'on avait fait tous ces aménagements au cours des premiers mois. A partir du 10 mai on s'attendait au pire, mais nous vécûmes encore des journées paisibles. C'est ainsi que lorsque la région fut évacuée, les maisons abandonnées nous permirent d'améliorer notre ordinaire. On allait alors récupérer des denrées avant qu'elles ne fussent prises par l'ennemi. On récupéra même une vache errante dans un pré que l'on amena dans notre cantonnement. Elle améliora considérablement nos petits déjeuners du matin et les plats de fraises des bois que l'on allait cueillir dans les environs.
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Messagepar gnr37 » 11 01 2013 à 01:43

La suite :

A mesure que les jours passaient et que les bombardements augmentaient d'intensité les intervalles se dépeuplaient. Les artilleurs qui s'y étaient installés depuis des mois et qui y vivaient dans un certain confort bâti au cours des mois d'inactivité, et que nous saluions chaque fois que nous passions avec nos convois, avaient soudain disparu. Ils avaient abandonné les munitions qu'ils n'avaient pu emporter, mais les avaient chargées sur nos plates-formes avant leur départ afin que nous les rentrions dans l'ouvrage. C'est un travail que nous fîmes les jours qui suivirent. Après les avoir emmenées jusqu'au gril nous les mettions en attente sous la frondaison des arbres de notre antenne, afin de les dissimuler à la vue des avions ennemis. Plusieurs soirs de suite, après avoir convenu par téléphone avec le commandant du fort d'une heure dans la nuit pour leur réception, un train de trois plates-formes chargées d'obus était acheminé machine arrière jusqu'au garage précédant l'ouvrage. Le chef du train allait alors se faire reconnaître par le chef du poste de l'ouvrage qui, avant l'ouverture de la grande porte, faisait sortir une escouade pour examiner les alentours afin de nous protéger contre un éventuel coup de main de l'ennemi. Les sapeurs du 15e génie stationnés à l'intérieur de l'ouvrage, procédaient ensuite à la sortie des wagons vides d'un précédent transport et à l'entrée des plates-formes pleines. Une fois le train reformé avec les plates-formes vides, c'était le retour au gril. Nous fîmes ainsi plusieurs transports et le dernier fut celui que l'on fit dans la nuit du 12 au 13 juin, car, dans la soirée du 13 vers 18 heures, j'appris par nos hommes du dispositif du Pont Saint Pierre situé à quelques centaines de mètres en arrière du gril, que le pont de chemin de fer sous lequel passait notre voie de 60 devait sauter vers 21 heures. Un adjudant du génie qui venait d'avertir l'un de mes hommes devait en assurer la destruction. Je téléphonai de suite après en avoir eu connaissance à mon chef de section de Florange pour le mettre au courant et avoir des instructions. Car après cette destruction nous étions coupés de l'arrière, de la section, et de la compagnie. Il n'était pas au courant mais demandait immédiatement des instructions au capitaine à Gandrange.
Quelques instants plus tard, il me rappelait pour me dire que la compagnie ne savait rien. Cependant, à 20 heures, il m'avertit qu'il venait de recevoir de la compagnie l'ordre de repli immédiat, après avoir effectué les destructions prévues. Quant à nous, nous devions nous replier à pied sur Florange, après avoir nous aussi effectué nos propres destructions. J'avais bien les explosifs, mais les amorces du fulminate manquaient pour la mise à feu. Je lui en fis part aussitôt. Il me répondit qu'il me les feraient parvenir immédiatement par un tracteur. Je ne les reçus jamais. Et comme il fallait être à Florange à 21 h 30, nous opérâmes une destruction à coups de masse. Avant celle du standard téléphonique j'appelai l'ouvrage du Kobenbusch et passai la dépêche suivante : « Venons recevoir ordre d'abandonner le gril de Cattenom pour 21 heures pour nous replier sur Gandrange. Je fais détruire les installations et le standard non reliant. Ceci est mon dernier message : sergent Dufour ». Puis, dans les plus brefs délais, nous rassemblâmes nos affaires que nous chargeâmes sur la plate-forme attelée derrière les deux tracteurs que nous escomptions sauver malgré l'ordre de sabordage. Nous emportâmes aussi notre caisse de cartouches, celles que nous n'avions pas pu mettre dans nos cartouchières.
Oups!
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Messagepar gnr37 » 12 01 2013 à 14:49

Suite et fin du récit sur la voie de 0,60. Sur l'ouvrage original cela se termine avec les combats et la reddition dans les Vosges :

Après un dernier regard d'adieu à notre cantonnement, nous étions tous prêts à nous mettre en route lorsque nous nous aperçûmes qu'il manquait un homme. C'était le cuistot. On le chercha partout, on l'appela, on l'attendit un moment, les hommes crièrent dans tous les azimuts, mais notre homme était introuvable. Nous ne pouvions attendre plus longtemps et le convoi s'ébranla, les hommes tenant en main leur fusil chargé prêts pour nous frayer un passage. Au Pont Saint Pierre, nous récupérâmes les deux sapeurs qui tenaient le dispositif. Ils avaient préparé leur déménagement, mais seulement les deux matelas furent chargés. Ils seraient peut-être utiles pour une éventuelle protection ! Puis l'on se remit en marche en accélérant la vitesse pour le passage de la vallée. Une zone dégagée où l'on craignait d'être pris par un tir d'enfilade de l'ennemi, comme l'avait été deux jours avant l'un de nos convois faisant un blessé grave. Après ce passage dangereux nous rentrâmes de nouveau dans la forêt. Un silence inquiétant régnait autour de nous. J'étais assis à côté du conducteur du tracteur de tête, le fusil sur les genoux, le doigt sur la détente. Quelques instants plus tard, nous arrivâmes au bois de la Grange où les batteries des intervalles avaient été en position jusqu'à ces derniers jours. Nous étions arrivés devant un garage où, sur la voie directe, se trouvaient une dizaine de plates-formes vides nous bouchant le passage. Et sur la voie d'évitement par où nous aurions pu passer, se trouvait un wagon-citerne que nous avions placé quelques jours auparavant pour être utilisé par les artilleurs en position à cet endroit. Car nous avions aussi la mission de pourvoir à leur ravitaillement en eau.
Il fallait rapidement faire un choix. La file de dix plates-formes poussée risquait de dérailler et de nous immobiliser. Pousser la citerne présentait moins de risques. C'est cette solution que nous adoptâmes. Mais la citerne était pleine d'eau et, avant de redémarrer, nous ouvrîmes tous les robinets afin de l'alléger. Ainsi nous poursuivîmes notre course en arrosant les deux côtés de la voie. Nous arrivâmes à Florange où l'on devait se joindre à la section pour se replier. Mais nous avions pris du retard et l'heure du rendez-vous était passée. Florange avait déjà été évacuée. Nous continuâmes alors vers Gandrange pour rejoindre le gros de la compagnie. A partir de cet endroit, il n'y avait plus à craindre de se trouver nez à nez avec des éléments ennemis. Vers minuit nous arrivâmes. Nous étions les derniers à rejoindre la compagnie. Mais pour notre défense, nous étions aussi les plus éloignés et l'on nous attendait un peu. Un dispositif de destruction était en place. Des hommes et un sergent devaient mettre le feu à toutes les installations après notre départ et nous rejoindre ensuite. Nous abandonnâmes les wagons, les tracteurs, et même notre caisse de cartouches que l'on avait espéré sauver. Nous fûmes avec le gros de la compagnie rassemblés sur la route et, colonne par trois, bien en ordre, capitaine en tête, nous nous sommes mis en marche dans la nuit.
Oups!
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