Je débarque donc à Sablanceaux (ça ne fait pas rire les rétais...), langue de sable sujette aux caprices des courants sur ses deux flancs. Les appontement successifs se trouveront implantés sur le côté nord de la pointe, jusqu'à l’avènement des bacs. "Bacs, bateaux, appontement : c'est un forum consacré au train

". Attendez, j'y arrive, car les uns et les autres sont liés.
Le premier appontement en bois, construit en 1880, est ensablé en 1887, inutilisable en 1896. Il n'a donc quasiment pas connu le train : je passe.
Le deuxième, établi un peu plus à l'est en "ciment armé", appellation d'époque, est inauguré le 15 août 1909, alors que le train parcourt déjà l'île (depuis juillet 1898) :
il est équipé d'une voie de 60 destinée à transiter les bagages du bateau au train. Cette voie ne sera jamais motorisée, les wagonnets étant simplement poussés à la main.
L'une des travée est métallique, car le Ministère de la Guerre a demandé qu'elle puisse être "facilement destructible en cas d'invasion"

. Évidemment, les éventuels envahisseurs avaient forcément besoin d'un quai, ils n'auraient pas su arriver par la plage, trop bêtes qu'ils étaient

! Elle sera surtout détruite par le sel et les tempêtes...
Avant 1909, il n'y a pas vraiment de gare : ce terminus est surtout tourné vers la SE, avec un abri pour les machines, un dortoir pour les hommes, un atelier et un guichet pour la vente des billets. Les voyageurs patientent dehors ! C'est une construction de bois et briques, "facilement destructible en cas etc.". On aperçoit le premier appontement sur la gauche, derrière l'homme accroupi :
Il faudra l'intervention du sénateur Gustave Perreau pour qu'une construction digne de ce nom soit édifiée en 1909, donc en même temps que le nouvel appontement : la gare se situe quasiment en alignement de celui-ci, et le prolongement nécessaire de la voie métrique décrit une curieuse courbe bien déversée. La voie de 60 vient se ranger près d'elle devant la gare :
Cette gare est construite en ossature bois peinte en brun Van Dick avec remplissage briques laissées naturelles, "facilement destructible etc.". Sa forme curieuse de chalet de la Forêt noire vient du fait que, outre les services de la SE et la salle d'attente, enfin, elle abrite aussi les bureaux de la Compagnie Rétaise, qui gère les passages d'eau, et de la Société de l'Appontement, qui entretient celui-ci : une taxe perçue sur le billet de la traversée y pourvoit. En principe...
Cette gare a longtemps survécu au train, comme les bistrots en bois "facilement..." établis à ses côtés, puisqu'elle a servi entre autre de bureau aux croisières inter-îles jusqu'à sa disparition en 1987 : elle avait le tort d'être sur le tracé des remblais d'approche du pont. Elle était alors peinte en blanc, boiseries vertes, et je regrette aujourd'hui de n'y être jamais entré.
En rouge, la gare. En vert, les troquets. En bleu, les restes de l’appontement de 1909 :
Mais revenons à notre voie de 60 : elle se dédoublait à l'aide de 2 plaques tournantes sur le retour à l'équerre de l'appontement. Victime lui-aussi de l'ensablement, ce dernier sera prolongé à 30°environ dans les années 1927/28, mais je n'ai pas trouvé de documents indiquant si la voie à suivi cet agrandissement. Il est certain par contre que cette voie a été non pas remplacée mais recouverte par une nouvelle, comme on le distingue nettement sur les photos du bas prises en juillet 1988 : le pont est déjà en service, les bacs abandonnés, et cette fois on a eu le temps dans la famille de mitrailler avant que ça disparaisse ! En fait, la démolition se fera durant l'hiver 1990/91, en même temps que les embarcadères des bacs. Les voies sont... "fortement corrodées", dirons-nous...